Évolution du parc de logements sociaux au Canada
Le Canada ne dispose pas de données fiables permettant de déterminer la taille et l'évolution de son parc de logements sociaux. Selon les meilleures données disponibles, le Canada compterait entre 600 000 et 700 000 logements sociaux, un nombre qui serait resté relativement stable au cours des 30 dernières années.
Bien que le parc de logements sociaux du Canada ait été en grande partie construit avant 1994, les investissements fédéraux qui ont permis la construction de ces logements provenaient d'accords d'exploitation étalés sur les décennies subséquentes.
Le logement social est un élément important des objectifs et des plans de dépenses de la Stratégie nationale sur le logement de 2017 de la SCHL.
Nous entendons par « logement social » un logement destiné aux ménages à faible revenu et proposé à un loyer inférieur à celui du marché, ce qui correspond globalement à la définition employée par l'OCDE[^1]. Ces logements sont également appelés logements à loyer subventionné, logements pour personnes à faible revenu ou logements à loyer indexé sur le revenu.
Le logement social est généralement un logement public (détenu par le gouvernement) ou un logement communautaire (détenu par un organisme à but non lucratif ou une coopérative). En outre, les dépenses consacrées au logement public et communautaire peuvent être considérées comme des dépenses consacrées aux logements sociaux au sein de ce portefeuille, car la présence de logements sociaux justifie l’octroi de subventions à un projet. Cependant, ce ne sont pas tous les logements publics et communautaires qui constituent des logements sociaux, et certains logements sociaux sont proposés dans des immeubles locatifs privés, généralement au moyen d'un supplément au loyer qui comble la différence entre la valeur locative du logement sur le marché et le loyer calculé en fonction des revenus du locataire.
La Stratégie nationale sur le logement du Canada de 2017 avait comme objectif global d’éliminer le besoin impérieux de logement de 530 000 ménages d'ici 2027‑2028[^2]. Cet objectif global devait être atteint, en partie, au moyen de cibles visant :
-
Le maintien de 255 559 logements sociaux administrés par les provinces[^3];
-
Le maintien de 13 700 logements sociaux administrés par le fédéral[^4];
-
L’ajout de 62 000 logements sociaux neufs[^5].
Comme l’indique notre récent Modèle de projection du nombre de ménages ayant des besoins impérieux en matière de logement, nous estimons que, de tous les programmes inclus dans la Stratégie nationale sur le logement du Canada, c'est la préservation des logements sociaux qui aura l'impact le plus important sur les besoins impérieux en matière de logement au Canada[^6].
Le soutien au logement social existant représente également la plus grande part des dépenses prévues dans le cadre du programme d'abordabilité du logement. Sur la période de la Stratégie nationale sur le logement du Canada, de 2018‑2019 à 2027‑2028, la SCHL prévoit dépenser un total de 6,4 milliards de dollars pour soutenir les logements sociaux administrés par le gouvernement fédéral, 11,5 milliards de dollars pour soutenir et développer les logements sociaux administrés par les provinces et 14,7 milliards de dollars pour des programmes qui soutiennent la construction de nouveaux logements sociaux[^7].
Malgré la place importante qu'occupe le logement social dans la stratégie et les dépenses de la SCHL en matière de logement, le Canada ne dispose pas de données fiables pour déterminer la taille et l'évolution de son parc de logements sociaux. Après avoir compilé et rectifié les meilleures données disponibles, nous estimons que le Canada compte entre 600 000 et 700 000 logements sociaux, et que ce parc est resté relativement stable au cours des 30 dernières années. Cependant, ces estimations ne sont peut-être pas exactes et ne permettent pas de tirer des conclusions définitives sur l'évolution du parc de logements sociaux au Canada depuis le lancement de la Stratégie nationale sur le logement en 2017. Les objectifs de la SCHL dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement de 2017 concernent la préservation d'un sous-ensemble de ces logements sociaux, ainsi que l'ajout de 62 000 logements sociaux.
Une autre façon d'appréhender l'évolution du parc de logements sociaux au Canada consiste à examiner les investissements dans le logement social au fil du temps, tant en termes de dépenses que de logements créés. À cet égard, il existe un écart important entre le moment où le parc de logements sociaux du Canada a été construit et celui où il a été payé. Le parc de logements sociaux du Canada a été construit en grande partie avant 1994, 87 % des 2 023 logements sociaux et abordables ayant été créés avant 1996. Cependant, les investissements fédéraux qui ont permis la création de ces logements provenaient d'accords d'exploitation étalés sur les décennies subséquentes, dont certains sont toujours en vigueur aujourd'hui. Cela contraste avec l'approche adoptée par les programmes depuis lors, qui soutiennent la création de nouveaux logements sociaux principalement par des contributions en capital initiales.
Données à l’échelle nationale concernant le parc de logements sociaux au Canada
Il existe quatre sources de données nationales concernant le parc de logements sociaux au Canada :
- Le recensement et l’Enquête canadienne sur le logement de Statistique Canada;
- L’Enquête sur les logements sociaux et abordables de la SCHL;
- Statistiques du logement au Canada de la SCHL;
- Les rapports d’étape présentés par les provinces et les territoires dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement.
Pour les années avant 2011, seules les données Statistiques du logement au Canada de la SCHL sont disponibles.
Bien que les quatre sources présentent des problèmes de fiabilité, ces problèmes sont particulièrement marqués dans le cas de l'Enquête sur les logements locatifs sociaux et abordables avant 2022 et des rapports provinciaux, qui font état de changements dans le parc de logements sociaux d'une année à l'autre et dans la composition de ce parc qui ne peuvent raisonnablement être attribués à des changements réels dans le parc de logements sociaux.
Bureau du directeur parlementaire du budget, d’après les données du recensement et de l’Enquête canadienne sur le logement de Statistique Canada, l’Enquête sur les logements locatifs sociaux et abordables de la SCHL, les Statistiques du logement au Canada de la SCHL, les rapports produits par les provinces dans le cadre de la SNL et d’autres données produites par la SCHL.
Bureau du directeur parlementaire du budget, d’après les données du recensement et de l’Enquête canadienne sur le logement de Statistique Canada, l’Enquête sur les logements locatifs sociaux et abordables de la SCHL, les Statistiques du logement au Canada de la SCHL, les rapports produits par les provinces dans le cadre de la SNL et d’autres données produites par la SCHL.
Afin de produire la meilleure estimation possible du parc de logements sociaux du Canada, il est nécessaire de synthétiser les informations provenant de ces sources et de les ajuster en fonction de leurs lacunes.
Dans certains cas, ces sources de données n'ont pas pris en compte des logements qui correspondaient à la définition de ce qu'elles essayaient de mesurer. Notamment :
- L'Enquête sur les logements sociaux et abordables omet les logements administrés par la Société d'habitation du Québec (SHQ) et logements dans les réserves;
- Dans de nombreuses provinces, les premiers rapports soumis ne comprenaient que les logements dont les accords avaient été renouvelés, au lieu de l'ensemble des logements sociaux et communautaires.
De plus, aucune de ces sources de données ne mesure directement le parc de logements sociaux du Canada tel que nous le définissons. Ces sources définissent chacune ce qu'elles mesurent d'une manière qui inclut certains logements qui ne sont pas des logements sociaux et omet d'autres logements qui sont des logements sociaux. Notamment :
- Toutes les sources de données peuvent inclure des logements non ciblés;
- Les données administratives fédérales et les rapports provinciaux excluent les logements sociaux qui ne reçoivent pas de soutien fédéral continu, ce qui représente une part croissante des logements sociaux au fil du temps.
Certains de ces problèmes peuvent être partiellement corrigés par des ajustements tels que le filtrage des unités hors marché lorsque cela est possible, y compris les segments omis du parc de logements sociaux, et le recours à la moyenne des variations volatiles d'une année à l'autre. D'autres limitations ne peuvent être compensées, notamment le caractère de plus en plus incomplet des données administratives fédérales et les périodes pour lesquelles les données sont disponibles. Par conséquent, il faut utiliser différentes données pour établir des estimations pour des périodes différentes.
Grâce aux ajustements mentionnés ci-dessus, les meilleures données disponibles suggèrent que le Canada compte entre 600 000 et 700 000 logements sociaux, et que ce parc est resté relativement stable au cours des 30 dernières années. Exprimées par rapport au parc immobilier global du Canada, nos estimations représentent une baisse de la part des logements sociaux de 6,2 % en 1991 à 4,1 % en 2021. Cependant, ces estimations ne sont peut-être pas exactes et ne permettent pas de tirer des conclusions définitives sur l'évolution du parc de logements sociaux au Canada depuis le lancement de la Stratégie nationale sur le logement en 2017. Ces estimations omettent les logements sociaux dans les réserves créés en dehors du Programme de logement sans but lucratif dans les réserves de la SCHL.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
Bureau du directeur parlementaire du budget.
Données nationales concernant les investissements en matière de logements sociaux
Une autre approche permettant de saisir l'évolution du parc de logements sociaux au Canada consiste à analyser les investissements dans le logement social au fil du temps, tant en termes de dépenses que de logements/lits créés. À cet égard, il existe un écart important entre le moment où le parc de logements sociaux du Canada a été construit et celui où il a été payé.
Logements/lits créés
Presque tous les logements communautaires administrés par le gouvernement fédéral ont été construits avant 1994. Depuis 1994, la totalité ou la quasi-totalité des nouveaux logements administrés par le gouvernement fédéral se trouvent dans des réserves, avec un total d'environ 30 000 logements construits entre 1995 et 2021. La plupart des logements administrés par les provinces et les territoires ont également été créés avec le soutien du gouvernement fédéral avant 1994[^16]. Néanmoins, le gouvernement fédéral a apporté son soutien à la construction de nouveaux logements « abordables » selon diverses définitions dans le cadre de différents programmes ultérieurs[^17].
Bureau du directeur parlementaire du budget, d’après les Statistiques du logement au Canada de la SCHL, les rapports annuels, les rapports d’étape de la Stratégie nationale sur le logement et les cibles de la Stratégie nationale sur le logement.
Bureau du directeur parlementaire du budget, d’après les Statistiques du logement au Canada de la SCHL, les rapports annuels, les rapports d’étape de la Stratégie nationale sur le logement et les cibles de la Stratégie nationale sur le logement.
Les logements sont comptés à partir de la date de l'engagement plutôt que de la date de mise en chantier ou d'achèvement. Certaines valeurs annuelles sont interpolées pour obtenir le nombre cumulatif de logements créés lorsque les données annuelles ne sont pas disponibles. Les logements créés à partir de 2025 reflètent la réalisation linéaire des objectifs de la Stratégie nationale sur le logement du Canada (ou des engagements pris jusqu'à présent, quand ils sont plus importants).
Il est très difficile de comparer et d'additionner les logements créés dans le cadre des différents programmes et à leur utilisation comme indicateur des changements dans le parc de logements sociaux ou dans le parc de logements publics et communautaires. L'un des problèmes est le cumul, c'est-à-dire le fait que les mêmes logements peuvent être comptabilisés dans plusieurs programmes. Par exemple, un logement peut être construit dans le cadre du Fonds pour la création rapide de logements, puis être comptabilisé une deuxième fois en tant que nouveau logement subventionné dans le cadre du Partenariat fédéral-provincial-territorial. Un autre problème est que la proportion de logements sociaux créés dans le cadre de différents programmes varie considérablement[^18]. Encore, l’expansion des nouveaux logements avec aide au loyer dans le cadre du partenariat fédéral-provincial-territorial comprend des suppléments de loyer accordés dans les locations privées, ce qui élargit le parc de logements sociaux sans donner lieu à l’achèvement d’un logement sans but lucratif ou d’une coopérative d’habitation. De plus, il peut y avoir des retards importants entre les engagements et l'achèvement des travaux. Ces problèmes entraînent des écarts importants entre le nombre de logements créés déclarés dans le cadre de nouveaux engagements et le nombre de logements achevés recensés dans le cadre du Relevé des mises en chantier et des achèvements de la SCHL, comme le montre la figure ci-dessous.
Bureau du directeur parlementaire du budget d’après les données de la SCHL.
Bureau du directeur parlementaire du budget d’après les données de la SCHL.
Les engagements sont fondés sur les Statistiques du logement au Canada de la SCHL, les rapports annuels et les rapports d'étape de la Stratégie nationale sur le logement. Les valeurs de certaines années sont interpolées linéairement pour atteindre les engagements cumulatifs déclarés. Les achèvements sont basés sur le Relevé des mises en chantier et des achèvements de la SCHL, qui s'appuie sur les observations des recenseurs de la SCHL sur le terrain, et comprennent les logements sociaux et abordables financés par le gouvernement, les logements sociaux abordables construits par des groupes à but non lucratif et les logements construits dans le cadre de programmes d'accession à la propriété abordable (par exemple, Habitat pour l'humanité). Les données sur les logements achevés n'étaient recueillies que dans les centres de population de plus de 10 000 habitants jusqu'en 2022, et dans les RMR (population de plus de 100 000 habitants), ainsi qu'à Charlottetown, Whitehorse et Yellowknife à partir de 2023.
Une autre approche permettant de déterminer le moment où les logements sociaux ont été ajoutés consiste à examiner la période de construction des logements actuellement utilisés comme logements sociaux et abordables. En 2023, 87 % des logements sociaux et abordables avaient été créés avant 1996[^19].
Investissements
Bien que le parc de logements sociaux du Canada ait été en grande partie construit avant 1994, les investissements fédéraux qui ont permis la construction de ces logements provenaient d'accords d'exploitation étalés sur les décennies subséquentes. Par exemple, dans le cadre des programmes de coopératives d'habitation postérieurs à 1978, la SCHL n'a pas fourni de contributions en capital et le financement a été assuré par des prêteurs privés agréés. L'aide de la SCHL aux projets a pris la forme de contributions annuelles au cours des 30 à 35 années suivantes, les contributions étant destinées à réduire les taux d'intérêt et à fournir une aide au loyer aux résidents à faible revenu[^20]. Ainsi, la SCHL a dépensé 1,9 milliard de dollars pour les coopératives d'habitation de 1997 à 2016, même si aucune nouvelle coopérative d'habitation administrée par le gouvernement fédéral n'a été construite pendant cette période. Ces investissements soutenaient des constructions réalisées des décennies auparavant.
Cette approche diffère considérablement de celle adoptée dans le cadre de l'Initiative en matière de logement abordable, d'Investissement dans le logement abordable et du Fonds pour le logement abordable. Dans le cadre de ces programmes de logements « abordables », la SCHL n'a fourni/ne fournit que des contributions initiales, se dégageant de toute responsabilité ultérieure à l'égard de ces logements. Cela permet de réduire le nombre de logements dont la construction est soutenue au cours de l'année en cours, mais aussi d'éviter de créer des responsabilités financières futures.
Bureau du directeur parlementaire du budget, d’après les Statistiques du logement au Canada de la SCHL et la réponse donnée à la demande de renseignements.
Bureau du directeur parlementaire du budget, d’après les Statistiques du logement au Canada de la SCHL et la réponse donnée à la demande de renseignements.
Le niveau réel des dépenses est ajusté en fonction de l'indice implicite des prix de Statistique Canada pour les structures résidentielles, y compris la projection du modèle économique du DPB pour cet indice. Les dépenses pour 2024 à 2027 reflètent les dépenses prévues. Certains programmes mineurs sont omis, notamment l'Initiative des terrains fédéraux et le Fonds d'innovation pour le logement abordable. Les données sur les dépenses ne sont pas disponibles pour la période de 1994 à 1996, car elles étaient regroupées avec d'autres dépenses dans la rubrique « Offre de logements ».
Conclusion
Il manque des données fiables pour déterminer la taille et l'évolution du parc de logements sociaux au Canada, y compris dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement du Canada. D'après les meilleures données disponibles, le Canada compterait entre 600 000 et 700 000 logements sociaux (à l'exclusion des logements non SCHL dans les réserves), et ce parc serait resté relativement stable au cours des 30 dernières années. Cette estimation est le résultat d'une comparaison entre la meilleure estimation récente, basée sur l'Enquête sur les logements locatifs sociaux et abordables, et la meilleure estimation de 1990, basée sur le nombre de ménages aidés par la SCHL dans le cadre d'engagements à long terme. Bien que le parc de logements sociaux du Canada ait été en grande partie construit avant 1994, les investissements fédéraux qui ont permis la construction de ces logements provenaient d'accords d'exploitation étalés sur les décennies subséquentes.