Rapport sur la viabilité financière de 2023
Dans ce rapport, le DPB présente son évaluation de la viabilité financière à long terme du gouvernement fédéral, des administrations infranationales et des régimes de retraite généraux.
Résumé
Pour évaluer la viabilité de la politique budgétaire d’un gouvernement, il convient de faire des projections allant au-delà d’un horizon de planification à moyen terme. Une politique budgétaire est dite financièrement viable lorsque la dette publique n’augmente pas de manière continue et proportionnelle à la taille de l’économie.
En raison du vieillissement de la population dans l’ensemble des provinces et des territoires, un grand nombre de Canadiens sortiront de la période maximale d’activité professionnelle pour entamer leur retraite. Ceci occasionne un ralentissement de la croissance de l’économie canadienne.
La décélération de la croissance économique exercera des pressions à la baisse sur les recettes gouvernementales puisqu’elle aura pour effet de ralentir l’augmentation de l’assiette fiscale. Parallèlement, le vieillissement démographique exercera des pressions à la hausse sur les programmes gouvernementaux qui concernent notamment les soins de santé, la Sécurité de la vieillesse et les prestations des régimes de retraite. Néanmoins, la pression pesant sur les programmes destinés aux groupes d’âge les plus jeunes diminuera à mesure que la population vieillira.
L’objectif du présent rapport est de déterminer s’il convient de modifier la politique budgétaire actuelle pour éviter une accumulation non viable de la dette publique, et d’estimer l’ampleur des changements requis, le cas échéant.
Évaluation
Secteur gouvernemental global
En ce qui concerne le secteur des administrations publiques considérées comme un tout, c’est-à-dire le gouvernement fédéral, les administrations infranationales et les régimes de retraite généraux pris ensemble, la politique budgétaire actuelle au Canada est viable à long terme. Par rapport à la taille de l’économie canadienne, la dette publique générale nette devrait diminuer progressivement à long terme en raison de la marge de manœuvre financière au niveau fédéral et de l’amélioration de la situation de l’actif net des régimes de retraite publics (Figure 1 du résumé).
Statistique Canada
Bureau du directeur parlementaire du budget
Statistique Canada
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La période de prévision va de 2023 à 2097.
Gouvernement fédéral
La politique budgétaire fédérale actuelle est viable à long terme. Nous estimons que le gouvernement fédéral pourrait augmenter ses dépenses ou réduire les impôts de 1,7 % du PIB (49,5 milliards de dollars en dollars courants, augmentant par la suite au rythme du PIB), et ce, de façon permanente, tout en stabilisant le ratio de la dette nette à son niveau initial de 30,5 % du PIB, à long terme.
Notre évaluation tient compte de toutes les mesures prévues dans le budget de 2023. Ces mesures comprennent notamment le financement de la santé et des soins dentaires ainsi que les crédits d’impôt à l’investissement dans les technologies vertes, qui augmentent de façon permanente le niveau des dépenses de programmes fédérales à long terme, et ce, même après avoir tenu compte des économies réalisées à la suite d’examens des dépenses. Des mesures d’augmentation des recettes comme l’imposition des dividendes d’actions canadiennes perçus par les institutions financières ainsi que la réforme de l’impôt international augmentent de façon permanente les recettes fédérales à long terme.
Notre estimation de la marge de manœuvre financière fédérale de 1,7 % du PIB est légèrement plus faible que celle indiquée dans notre évaluation précédente (1,8 % du PIB). La révision à la hausse du taux d’intérêt fédéral effectif réduit la marge de manœuvre financière, et ce, malgré une révision à la hausse de nos perspectives à moyen terme sur les recettes qui compensent largement l’augmentation des dépenses de programmes.
Pour évaluer la viabilité financière, le DPB se sert de l’écart financier, soit la différence entre la politique budgétaire actuelle et une politique viable à long terme.
L’écart financier correspond au changement immédiat et permanent dans les revenus, les dépenses de programmes ou les deux (exprimé en proportion du PIB) qui permettra de stabiliser le ratio de la dette nette par rapport au PIB à son niveau initial à long terme.
Un écart financier négatif indique que la dette nette devrait baisser en proportion du PIB et qu’il existe une marge de manœuvre pour augmenter les dépenses ou réduire les taxes et impôts tout en maintenant la viabilité financière.
Pour chaque régime de retraite général, l’écart financier représente le changement immédiat et permanent dans les cotisations ou les prestations qui permet de ramener le ratio de l’actif net au PIB à son niveau initial à long terme.
Administrations infranationales
La politique budgétaire actuelle est viable à long terme pour l’ensemble du secteur des administrations infranationales, qui comprend les gouvernements provinciaux, territoriaux, locaux et autochtones. Notre évaluation tient compte des budgets des gouvernements provinciaux et territoriaux du printemps 2023.
À long terme, par rapport à la taille de leurs économies, les administrations infranationales feront face à une augmentation des dépenses de santé en raison du vieillissement de la population. En outre, elles connaîtront toutes un différentiel de taux d’intérêt effectif et de croissance du PIB moins favorable que celui du gouvernement fédéral. Certaines administrations infranationales subiront également des pressions budgétaires importantes en raison de la réduction des transferts fédéraux (par rapport à la taille de leur économie).
Cela dit, pour l’ensemble du secteur infranational, les recettes autonomes, combinées aux transferts fédéraux, sont suffisantes pour maintenir le ratio de la dette nette par rapport au PIB des administrations infranationales en dessous de son niveau de 2022 pour l’horizon de 75 ans.
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Nous estimons que les politiques budgétaires actuelles de cinq provinces sont viables : ce sont celles du Québec, de la Saskatchewan, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l’Alberta (Figure 2 du résumé).
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Nos estimations indiquent que les gouvernements des provinces ayant des politiques budgétaires viables disposent d’une marge de manœuvre pour augmenter les dépenses ou réduire les taxes et impôts, qui va de 1,8 % du PIB provincial au Québec à 0,1 % du PIB provincial en Alberta.
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Les politiques budgétaires actuelles des autres provinces et des territoires ne sont pas viables. Les mesures requises par les gouvernements de ces administrations pour assurer leur viabilité financière varient de 0,2 % du PIB provincial en Ontario à 6,4 % du PIB territorial dans les territoires.
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Selon nos estimations, la part de la marge de manœuvre des gouvernements infranationaux représentée par les provinces du Québec et de la Saskatchewan réunies est de l’ordre de 0,35 point de pourcentage, tandis que la part de l’écart financier infranational représentée par les provinces du Manitoba, de la Colombie-Britannique et de l’Ontario réunies est de l’ordre de 0,32 point de pourcentage (Figure 3 du résumé).
Bureau du directeur parlementaire du budget
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L’écart financier de chaque province et territoire est exprimé en proportion de son PIB. A.I. fait référence aux administrations infranationales.
Bureau du directeur parlementaire du budget
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Les pourcentages sont exprimés en proportion du PIB du Canada. A.I. fait référence aux administrations infranationales.
Comparativement à notre évaluation précédente, l’écart financier infranational a été révisé à la baisse, par rapport à 0,1 % du PIB. Notre évaluation actuelle tient compte des budgets des gouvernements provinciaux du printemps 2023. Selon les plans budgétaires récents, les perspectives à moyen terme en ce qui concerne les revenus autonomes des gouvernements provinciaux et territoriaux ont été révisées à la hausse dans la plupart des provinces et, conformément à notre méthodologie, nous supposons que cette révision se poursuit à long terme. La révision à la hausse des revenus autonomes infranationaux est partiellement compensée par les révisions à la hausse des dépenses de programmes.
Régimes de retraite généraux
La structure actuelle tant du Régime de pensions du Canada (RPC) que du Régime de rentes du Québec (RRQ) est viable à long terme. Selon nos estimations, les écarts financiers du RPC et du RRQ sont respectivement de -0,1 % du PIB du Canada et de ‑0,5 % du PIB du Québec.
Avec la structure actuelle du RPC, il serait possible de réduire les cotisations ou d’augmenter les prestations de 0,1 % du PIB tout en garantissant que la position nette de l’actif par rapport au PIB est égale à sa valeur initiale après 75 ans. Dans le cas du RRQ, il serait possible de réduire les cotisations ou d’augmenter les prestations de 0,5 % du PIB tout en maintenant la viabilité financière.
Comparativement à notre évaluation précédente, notre estimation de l’écart financier s’est améliorée de 0,04 point de pourcentage du PIB pour le RPC et de 0,11 point de pourcentage du PIB pour le RRQ. Cette révision reflète un taux de rendement présumé plus élevé à long terme qui compensent largement les révisions à la baisse aux flux de trésorerie prévus (par rapport au PIB).
Sensibilité des résultats
Pour évaluer le degré de sensibilité des écarts financiers de référence, nous recourons à des variantes de scénarios démographiques, économiques et budgétaires.
Nous constatons que nos évaluations qualitatives de la viabilité financière du gouvernement fédéral demeurent inchangées dans tous les scénarios envisagés.
Nos évaluations qualitatives de la viabilité pour la plupart des provinces et les territoires demeurent essentiellement les mêmes, quel que soit le scénario envisagé, démographique, économique ou budgétaire. Cependant, notre évaluation de la viabilité est inversée principalement pour les administrations infranationales sous certains scénarios lorsque leur écart financier de référence est nul ou presque nul.
1. Introduction
Une politique budgétaire est dite financièrement viable lorsque la dette publique n’augmente pas de manière continue et proportionnelle à la taille de l’économie. Pour déterminer si la politique budgétaire est viable et dans quelle mesure elle l’est, nous faisons une projection de la dette gouvernementale nette par rapport à la taille de l’économie à long terme en supposant sur le maintien de la politique budgétaire actuelle.
Rappelons que les projections budgétaires à long terme ne sont ni des prévisions ni des prédictions des résultats les plus probables. Ce sont plutôt des scénarios qui illustrent les conséquences du maintien de la politique budgétaire actuelle du gouvernement à long terme, après avoir pris en compte les répercussions économiques et financières du vieillissement de la population.
Ces projections visent à stimuler les discussions afin de déterminer si la politique budgétaire actuelle permet de relever adéquatement les défis à long terme sur les plans économiques et démographiques, car plus les interventions qui s’imposent seront faites rapidement, moins les coûts afférents seront élevés.
Le solde primaire est défini comme étant la différence entre les revenus et les dépenses autres que celles liées aux intérêts. Il représente la contribution à l’accumulation de la dette, sur laquelle la politique budgétaire a une incidence directe. Le solde primaire auquel on soustrait les frais de la dette publique équivaut au concept plus familier de solde budgétaire ou de « prêt net ».
Dans le cas des régimes de retraite généraux, le solde primaire est représenté par le flux de trésorerie net, soit la différence entre les cotisations, d’une part, et les charges au titre des avantages accumulés et les frais d’administration, d’autre part.
L’écart financier indique l’ampleur des changements à apporter à la politique budgétaire pour qu’il soit possible d’atteindre la viabilité[^1]. Plus précisément, l’écart financier de référence du DPB se définit comme étant la modification immédiate et permanente du solde primaire requise pour stabiliser le ratio de la dette nette au PIB à son niveau initial sur un horizon de 75 ans.
L’estimation de l’écart financier reflète tant un facteur politique qu’un facteur structurel :
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Facteur politique : Le solde primaire représente le catalyseur de la viabilité sur le plan des politiques. Les changements permanents de ce solde peuvent être obtenus par le rajustement des recettes ou des dépenses engagées pour des programmes.
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Facteur structurel : Lorsque les taux d’intérêt dépassent la croissance du PIB, les frais d’intérêt sur la dette du gouvernement dépassent la croissance de l’économie générale, ce qui peut provoquer un endettement excessif, sauf si un gouvernement dégage des excédents du solde primaire. Toutefois, pour le gouvernement fédéral et quelques provinces, nous prévoyons une différence favorable de la croissance des taux d’intérêt à long terme, c’est-à-dire une croissance du PIB supérieure aux taux d’intérêt effectifs.
Nous fondons nos projections financières sur les comptes économiques provinciaux et territoriaux et les statistiques de finances publiques (SFP) de Statistique Canada[^2]. Les SFP mesurent et analysent les dimensions économiques du secteur public du Canada en conformité avec le système de comptabilité nationale du Canada et les lignes directrices internationales énoncées par le Fonds monétaire international dans le Manuel de statistiques de finances publiques de 2014[^3]. La portée de notre cadre d’analyse se limite au secteur des administrations publiques[^4].
Nos projections économiques et nos projections financières fédérales à moyen terme se basent sur nos Perspectives économiques et financières de mars 2023 et tiennent compte de toutes les mesures prévues dans le budget de 2023[^5]. L’ensemble de nos projections financières à moyen terme pour les administrations infranationales est conforme avec les prévisions budgétaires fondées sur les comptes publics produites par les gouvernements provinciaux au printemps 2023. Les données détaillées relatives à nos projections du Rapport sur la viabilité financière (RVF) peuvent être consultées sous forme électronique sur notre site Web[^6]. Pour plus de détails méthodologiques et techniques, voir notre RVF de 2017[^7].
2. Projections démographiques
Les projections économiques et financières à long terme du DPB reposent en grande partie sur l’évolution du profil démographique au Canada. En raison du vieillissement de la population dans l’ensemble des provinces et des territoires, un grand nombre de Canadiens sortiront de la période maximale d’activité professionnelle pour entamer leur retraite, d’où le ralentissement de la croissance de la main-d’œuvre et du PIB.
Les hypothèses démographiques de référence du directeur parlementaire du budget (DPB) reflètent les plus récentes prévisions de Statistique Canada concernant la population, qui comprennent des révisions à la hausse des taux de mortalité et des changements aux prévisions liées à la migration interprovinciale[^8]. Les hypothèses démographiques de référence comprennent aussi les objectifs en matière d’immigration de 2021 du gouvernement[^9]. La croissance démographique du Canada a rebondi en 2022, mais les changements aux hypothèses démographiques donnent lieu à une baisse du niveau de population projeté par rapport à notre évaluation de 2022 de 3,5 % en 2097, soit la dernière année de notre prévision[^10]. La croissance de la population au niveau national devrait ralentir, passant de 1,8 % en 2022 à 0,7 % en 2097 (figure 2-1).
Les projections démographiques continuent de varier grandement d’une administration infranationale à l’autre. L’Alberta et la Saskatchewan connaîtront la croissance démographique la plus élevée, mais selon nos prévisions, elle devrait ralentir par rapport aux niveaux actuels. En revanche, la population de Terre-Neuve-et-Labrador devrait baisser au cours de la période de prévision.
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L’âge médian de la population canadienne devrait augmenter pour passer de 41,7 ans en 2021 à 45,1 ans en 2068[^11]. À l’échelle nationale, le rapport de dépendance des personnes âgées – c’est-à-dire le ratio entre les personnes âgées de 65 ans et plus et celles âgées de 15 à 64 ans – devrait augmenter aussi, passant de 28,7 % en 2022 à 42,6 % en 2097 (figure 2-2). Cela dit, le vieillissement de la population devrait culminer au cours des 13 prochaines années.
Au niveau infranational, le rapport de dépendance des personnes âgées dans les provinces de l’Atlantique devrait demeurer largement supérieur à la moyenne nationale à long terme. Le rapport de dépendance des personnes âgées plus élevé dans ces provinces reflète les taux de fécondité et de migration nette bas comparativement aux autres provinces.
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En revanche, le rapport de dépendance des personnes âgées dans les Prairies et les territoires devrait demeurer largement inférieur à la moyenne nationale à long terme. Le rapport de dépendance des personnes âgées est plus faible dans ces provinces étant donné qu’elles devraient avoir des taux de fécondité et de migration nette élevés comparativement aux autres provinces. Cela dit, les rapports de dépendance des personnes âgées devraient augmenter bien au-dessus des niveaux actuels, particulièrement au cours des 13 prochaines années.
3. Projections économiques
À long terme, nous nous attendons à ce que l’économie canadienne fonctionne à sa capacité de production ou atteigne son PIB potentiel, lequel est déterminé par les tendances du facteur travail (nombre total d’heures travaillées) et de la productivité du travail (PIB par heure travaillée)[^12]. Le RVF de 2017 décrit la méthode qu’utilise le DPB pour établir les projections concernant le PIB des provinces et des territoires[^13].
L’entrée d’une grande proportion de la population dans le groupe des personnes âgées (qui sont moins susceptibles de travailler ou qui travaillent moins d’heures) fera fléchir la croissance du nombre total d’heures travaillées dans l’économie. Il en résultera un ralentissement de la croissance du PIB réel et du PIB réel par habitant, des variables couramment utilisées pour mesurer le niveau de vie moyen.
Le facteur travail correspond au nombre d’heures travaillées et il est fonction de la taille de la population en âge de travailler, du taux d’emploi et du nombre moyen d’heures travaillées.
La productivité du travail mesure le volume de production par heure travaillée.
Le PIB réel est égal au facteur travail multiplié par la productivité du travail. Le PIB potentiel est la production que peut réaliser l’économie lorsque le capital, la main-d’œuvre et la technologie sont conformes à leurs tendances respectives.
La croissance du PIB réel par habitant sert généralement à mesurer l’augmentation du niveau de vie.
La politique monétaire — à l’échelle nationale et mondiale — a été plus stricte que ce qu’indiquait notre évaluation de 2022; l’inflation à court terme a été plus élevée et la croissance économique a été plus faible que ce que nous avions prévu[^14]. Le niveau moyen du PIB réel projeté en 2027 (la dernière année de notre période de prévision à moyen terme) est inférieur de 1,3 % à ce qu’il était dans notre RVF de 2022. Toutefois, le niveau du PIB nominal en 2027 est maintenant supérieur de 1,5 %.
Les projections de référence à long terme du DPB pour le PIB réel incluent maintenant des estimations de l’incidence des modifications futures aux tendances météorologiques liées au changement climatique. En nous fondant sur des estimations antérieures du DPB, nous prévoyons que les changements futurs aux tendances météorologiques feront baisser le niveau du PIB réel de 3,4 % en 2097 par rapport à ce que notre projection de référence aurait été autrement (figure 3-1)[^15].
Bureau du directeur parlementaire du budget.
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Au-delà du moyen terme, la croissance du PIB nominal pour la plupart des provinces et des territoires est légèrement inférieure à notre évaluation de 2022.
En raison du vieillissement de la population, la croissance du nombre d’heures travaillées ralentira à l’échelle nationale, mais l’ampleur du ralentissement projeté variera d’une province et d’un territoire à l’autre. Par exemple, le vieillissement démographique pèsera moins sur la croissance économique de l’Alberta (figure 3-2) que sur celle de Terre-Neuve-et-Labrador, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, des provinces où cette tendance sera particulièrement marquée.
Statistique Canada et Bureau du directeur parlementaire du budget.
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À l’échelle nationale, la croissance de la productivité du travail devrait converger vers son taux d’équilibre de 1,07 % à long terme, ce qui est légèrement inférieur à la croissance annuelle moyenne historique de la productivité du travail de 1,12 % observée de 1982 à 2019 (figure 3-3). L’écart dans la croissance de la productivité du travail prévue à long terme reflète principalement l’incidence des modifications futures aux tendances météorologiques liées au changement climatique.
Statistique Canada
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Nous nous servons des taux de croissance moyens historiques (de 1982 à 2019) pour établir nos projections de croissance de la productivité du travail dans les provinces. Ensuite, nous faisons des rectifications pour nous assurer d’une certaine cohérence avec nos projections à l’échelle nationale. Sur un horizon de 75 ans, Terre-Neuve-et-Labrador et la Saskatchewan devraient afficher la croissance de la productivité du travail la plus rapide, tandis que le Québec et la Colombie-Britannique accuseront la croissance la plus lente.
Nous prévoyons que la croissance du PIB réel au Canada ralentira pour s’établir à 1,7 % par année, en moyenne, à long terme (figure 3-4)[^16]. La courbe de croissance relative du PIB réel des provinces et des territoires à long terme est essentiellement définie par les écarts observés dans le nombre total d’heures travaillées. D’ici 2072, la croissance du PIB réel devrait aller de 1,0 % au Nouveau-Brunswick à 2,2 % en Alberta.
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La croissance du PIB réel par habitant, qui est couramment employée pour mesurer l’augmentation du niveau de vie, devrait s’établir en moyenne à 0,9 % par année de 2023 à 2097, soit 0,3 point de pourcentage de moins que la croissance moyenne observée de 1982 à 2019. Ce ralentissement est principalement attribuable au recul de la croissance du nombre total d’heures travaillées. Comme le nombre d’heures travaillées devrait s’accroître à long terme au même rythme que la population, la croissance du PIB réel par habitant sera principalement déterminée par la productivité du travail.
Pour illustrer les répercussions qu’a le ralentissement de la croissance du nombre d’heures travaillées sur le PIB réel par habitant, nous comparons notre projection de référence avec un scénario contrefactuel selon lequel le nombre total d’heures travaillées par habitant augmente au taux moyen historique observé de 1982 à 2019, soit 0,1 % annuellement au lieu de ‑0,2 % projeté de 2025 à 2047 selon la référence (figure 3-‑5). Selon nos projections, le PIB réel par habitant devrait s’élever à 5 700 $ en 2047, soit 8,3 % de plus que la valeur obtenue sous le scénario précédent.
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La période de prévision va de 2023 à 2047. Selon le scénario contrefactuel, qui débute en 2025, la croissance du nombre total d’heures travaillées par habitant correspond à la moyenne historique de 1982 à 2019. La progression de la productivité du travail est la même selon les deux projections.
Étant donné que la période de prévision est plutôt longue et bien que les écarts entre les taux de croissance soient relativement faibles, les projections concernant le PIB réel par habitant varient considérablement d’une province et d’un territoire à l’autre. À long terme, c’est en Alberta, à Terre-Neuve-et-Labrador, en Saskatchewan et dans les territoires que les niveaux de vie devraient être les plus élevés au pays. En revanche, c’est au Nouveau-Brunswick, en Colombie-Britannique et à l’Île-du-Prince-Édouard qu’ils devraient être les plus bas (figure 3-6).
Le PIB réel par habitant contribue largement à la capacité fiscale des provinces (cette capacité étant étroitement liée au revenu par habitant) et c’est cette capacité qui détermine leur droit à des paiements de péréquation de la part du gouvernement fédéral. Les provinces dont la capacité fiscale est inférieure à la norme nationale établie ont droit à des paiements de péréquation.
Nous avons révisé à la hausse notre projection à moyen terme de l’inflation et des taux d’intérêt par rapport à notre évaluation de 2022 pour tenir compte de l’évolution de la conjoncture économique au cours de la dernière année.
Cependant, nos hypothèses à long terme en matière d’inflation et de taux d’intérêt demeurent les mêmes par rapport à celles de notre évaluation de 2022. Au-delà du moyen terme, nous supposons que l’inflation s’établira à 2,0 %. Nous présumons que le taux d’intérêt nominal des bons du Trésor à trois mois sera de 2,45 % à long terme. Nous retenons l’hypothèse que les taux des obligations de référence à 10 ans du gouvernement du Canada et des obligations à long terme (période maximale de 30 ans) atteindront respectivement 3,25 % et 3,50 %, soit 25 points de pourcentage de plus par rapport à notre évaluation de 2022 dans les deux cas[^17].
Le taux d’intérêt fédéral effectif devrait s’établir à 3,1 %. Les écarts entre les taux d’intérêt provinciaux et territoriaux effectifs (c’est-à-dire la différence par rapport au taux fédéral effectif) n’ont pas changé depuis notre dernière évaluation[^18]. À long terme, les écarts entre les taux d’intérêt effectifs varient de 82 points de base en Colombie-Britannique à 108 points de base à Terre-Neuve-et-Labrador.
Dans certains cas (au niveau fédéral de même qu’en Saskatchewan et en Alberta), le taux d’intérêt effectif est inférieur au taux de croissance du PIB nominal, en moyenne, à long terme[^19].
4. Gouvernement fédéral
La politique budgétaire fédérale actuelle est viable à long terme. Notre évaluation tient compte des mesures contenues dans le budget de 2023 comme le financement lié à la santé et aux soins dentaires, les crédits d’impôt à l’investissement dans les technologies propres; des mesures visant à accroître les recettes, notamment la réforme de l’impôt international, l’imposition des dividendes d’actions canadiennes reçues par les institutions financières, en plus des économies réalisées dans le cadre d’examens des dépenses.
Dans le cadre des politiques de référence, selon nos projections, les dépenses fédérales de programmes diminueront à long terme et ce — proportionnellement à la taille de l’économie avant la pandémie — au chapitre des prestations aux aînés, des prestations pour enfants et des transferts aux autres gouvernements (figure 4-1).
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La période de projection s’étend de 2023 à 2097. L’assurance-emploi englobe les prestations canadiennes d’urgence et les prestations canadiennes de relance économique. Les principaux transferts aux autres gouvernements comprennent la péréquation, le Transfert canadien en matière de santé, le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, la formule de financement des territoires et d’autres transfert.
En 2022, les dépenses fédérales consacrées aux prestations aux aînés correspondaient à 2,4 % du PIB. Nous prévoyons que lorsque les derniers baby-boomers atteindront l’âge de 65 ans, ces dépenses continueront d’augmenter pour culminer à 2,7 % du PIB en 2030. Toutefois, comme les paiements de prestations sont uniquement indexés à l’inflation, les dépenses au titre des prestations pour aînés devraient diminuer à mesure que cette génération vieillira et s’éteindra.
Les prestations pour enfants ont atteint un sommet équivalent à 1,2 % du PIB en 2020, surtout en raison des prestations supplémentaires allouées durant la pandémie. Néanmoins, comme la proportion de personnes âgées de moins de 18 ans sera moindre au sein de la population totale au cours des décennies à venir et que les paiements de prestations seront uniquement indexés à l’inflation, les prestations pour enfants diminueront par rapport à la taille de l’économie. À la fin de la période de prévision, les prestations pour enfants devraient avoir reculé pour s’établir à 0,4 % du PIB.
Les principaux transferts fédéraux accordés aux gouvernements provinciaux et territoriaux devraient également baisser légèrement entre 2022 et 2097, passant de 4,7 à 4,5 % du PIB. Conformément à la loi, le Transfert canadien en matière de santé (TCS) et la péréquation sont liés à la croissance du PIB nominal. Cependant, dans le cas du Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS), la loi prévoit une augmentation de 3 % par année, soit 0,7 point de pourcentage de moins en moyenne que la croissance projetée du PIB nominal.
En raison des baisses prévues des transferts aux particuliers et aux gouvernements infranationaux, les recettes devraient dépasser les dépenses de programmes au cours d’une grande partie de la période de prévision, une tendance qui devrait se traduire par des excédents primaires considérables d’ici la fin de notre période de prévision à long terme (figure 4-2).
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La période de prévision va de 2023 à 2097.
Par ailleurs, nous nous attendons à ce que le taux d’intérêt fédéral effectif demeure inférieur au taux de croissance du PIB nominal, ce qui contribuera également à la viabilité de la politique budgétaire fédérale. Selon nos projections, la dette nette du gouvernement fédéral (30,5 % du PIB en 2022) serait éliminée en 2054 si les politiques ne changent pas.
Évaluation de la viabilité financière
La politique budgétaire fédérale actuelle est viable à long terme. Ainsi, nous estimons que pour stabiliser la dette nette à 30,5 % du PIB à long terme, le gouvernement fédéral pourrait, tout en maintenant la viabilité financière, augmenter les dépenses ou réduire les impôts de manière permanente dans une proportion correspondant à 1,7 % du PIB (49,5 milliards de dollars en dollars courants, somme qui progresserait ensuite au rythme du PIB).
Notre évaluation tient compte de toutes les mesures prévues dans le budget de 2023. Par exemple, ces mesures comprennent le financement de la santé et des soins dentaires ainsi que les crédits d’impôt à l’investissement dans les technologies vertes qui augmentent de façon permanente le niveau des dépenses de programmes fédérales à long terme, et ce, même après avoir tenu compte des économies réalisées à la suite d’examens des dépenses[^20]. Des mesures d’augmentation des recettes comme l’imposition des dividendes d’actions canadiennes perçus par les institutions financières ainsi que la réforme de l’impôt international augmentent de façon permanente les recettes fédérales à long terme.
Notre estimation de la marge de manœuvre financière fédérale de 1,7 % du PIB est légèrement plus faible que celle indiquée dans notre évaluation précédente (1,8 % du PIB). La révision à la hausse du taux d’intérêt fédéral effectif réduit la marge de manœuvre financière, et ce, malgré une révision à la hausse de nos perspectives à moyen terme sur les recettes qui compensent largement l’augmentation des dépenses de programmes.
Notre évaluation qualitative selon laquelle la politique budgétaire fédérale actuelle est viable à long terme reste inchangée pour l’ensemble des hypothèses démographiques, économiques ou budgétaires envisagées (voir les tableaux A-1 à A-3 à l’annexe A).
5. Administrations infranationales
La politique budgétaire actuelle est viable à long terme pour l’ensemble du secteur des administrations infranationales, qui comprend les gouvernements provinciaux, territoriaux, locaux et autochtones. Notre évaluation tient compte des budgets des gouvernements provinciaux et territoriaux du printemps 2023.
À long terme, par rapport à la taille de leurs économies, les administrations infranationales feront face à une augmentation des dépenses de santé en raison du vieillissement de la population. En outre, elles connaîtront toutes un différentiel de taux d’intérêt effectif et de croissance du PIB moins favorable que celui du gouvernement fédéral. Certaines administrations infranationales subiront également des pressions budgétaires importantes en raison de la réduction des transferts fédéraux (par rapport à la taille de leur économie).
Cela dit, pour l’ensemble du secteur infranational, les revenus autonomes, combinés aux transferts fédéraux, sont suffisants pour maintenir le ratio de la dette nette par rapport au PIB des administrations infranationales en dessous de son niveau de 2022 sur un horizon de 75 ans (figure 5-1).
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Bureau du directeur parlementaire du budget.
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Bureau du directeur parlementaire du budget.
La période de prévision va de 2023 à 2097.
La majeure partie des recettes des administrations infranationales est constituée de revenus autonomes, principalement l’impôt sur le revenu, les taxes à la consommation et l’impôt foncier. Nous présumons que ces recettes augmenteront au même rythme que le PIB nominal des provinces à long terme. Ainsi, dans le cadre de nos projections, les recettes totales, exprimées en part du PIB provincial, varient en raison de changements liés aux transferts fédéraux, comme la péréquation, le TCS et le TCPS (figure 5-2)[^21].