Budget de 2025 : enjeux pour les parlementaires
Le présent rapport fait ressortir les enjeux du budget de 2025 afin d’aider les parlementaires dans leurs délibérations budgétaires.
Déficit avant et après les nouvelles mesures
Selon le plan présenté dans le budget de 2025, le déficit devrait s’élever à 64,3 milliards de dollars par an, en moyenne, entre 2025‑2026 et 2029‑2030, soit plus du double de ce qui était prévu dans l’Énoncé économique de l’automne 2024.
La détérioration des perspectives du gouvernement tient principalement aux nouvelles mesures de dépenses de fonctionnement courantes (totalisant 87,0 milliards de dollars en chiffres nets) ainsi qu’à des charges de programmes directes plus élevées[^1] (totalisant 65,0 milliards de dollars) dues à l’augmentation des provisions pour passifs éventuels, aux créances douteuses et à d’autres obligations, comme le passif environnemental (tableau 1). Les nouvelles mesures d’investissement en capital contribuent à hauteur de 38,7 milliards à la détérioration des perspectives de déficit. D’autres révisions totalisant 23,1 milliards de dollars[^2] permettent de compenser en partie les nouvelles mesures et l’augmentation des provisions.
Solde de fonctionnement courant avant et après les nouvelles mesures
Le budget de 2025 présente en détail la nouvelle approche budgétaire du gouvernement, qui sépare le solde budgétaire en solde de fonctionnement courant et investissements en capital.
Selon cette approche, les investissements en capital comprennent la formation de capital inscrite directement au bilan du gouvernement (c’est-à-dire le traitement qui en est fait dans les Comptes publics du Canada), ainsi que les dépenses à l’appui de la formation de capital « d’une entité du secteur privé, d’une communauté autochtone ou d’un autre ordre de gouvernement[^3] ». De plus, le solde de fonctionnement constitue la base de l’un des points d’ancrage budgétaires du gouvernement, qui vise à équilibrer les dépenses de fonctionnement et les recettes d’ici 2028-2029.
Compte tenu du total des investissements en capital du scénario de référence (tableau A2.2)[^4] et du solde budgétaire avant les mesures (tableau A1.3) fournis dans le budget de 2025, le solde de fonctionnement courant avant les mesures peut être déterminé de façon résiduelle.
En l’absence de mesures adoptées depuis l’Énoncé économique de l’automne 2024 et de mesures annoncées dans le budget de 2025, le solde de fonctionnement serait excédentaire de 2026‑2027 à 2029‑2030 (tableau 2). Autrement dit, les recettes dépasseraient les dépenses de fonctionnement à partir de 2026‑2027. Les nouvelles mesures opérationnelles courantes prises depuis l’Énoncé économique de l’automne 2024 et dans le budget de 2025 font passer le solde de fonctionnement d’une position excédentaire à une position déficitaire en 2026-2027 et 2027-2028.
Nouveau cadre de budgétisation des investissements en capital
Le nouveau cadre de budgétisation des investissements en capital du gouvernement adopte une définition des investissements en capital allant au-delà du traitement qui en est fait dans les Comptes publics et des pratiques internationales fondées sur le Système de comptabilité nationale (SCN), comme celle adoptée par le Royaume-Uni (voir le tableau A2.1 dans le budget de 2025)[^5].
En incluant les dépenses liées à l’impôt sur le revenu des sociétés, les crédits d’impôt à l’investissement et les subventions d’exploitation (production), le cadre associe des mesures stratégiques à la formation de capital. Même si ces mesures peuvent influer, dans une certaine mesure, sur les décisions d’investissement des entreprises, nous estimons que les dépenses fédérales consacrées à ces mesures ne seraient pas considérées comme de la formation de capital dans le cadre du Système de comptabilité nationale ou le cadre britannique. Les dépenses fédérales dans ces catégories représentent leur coût budgétaire et pas nécessairement le montant de la formation de capital du secteur privé réalisé dans l’économie grâce à ces mesures.
Pour assurer une plus grande cohérence avec le cadre du Système de comptabilité nationale, nous avons calculé les investissements en capital (à partir du tableau A2.2 du budget de 2025) de manière à inclure uniquement les transferts en capital, l’amortissement du capital et certaines mesures ciblant le parc de logements. Selon notre définition, les investissements en capital s’élèveraient à 217,3 milliards de dollars entre 2024-2025 et 2029-2030, ce qui représente une baisse d’environ 30 % (94 milliards de dollars) par rapport au budget de 2025 (tableau 3). En outre, selon notre définition, le solde de fonctionnement du budget de 2025 resterait déficitaire de 2024-2025 à 2029‑2030 (tableau 4).
Étant donné le caractère subjectif de la définition des investissements en capital fédéraux et le rôle que cela exerce dans l’orientation des décisions de politique budgétaire et l’évaluation de la performance financière, le DPB recommande que le gouvernement mette sur pied un organe d’experts indépendant chargé de déterminer quelles catégories et mesures de dépenses fédérales peuvent être considérées comme des investissements en capital selon une définition élargie allant au-delà de celle qui figure dans les Comptes publics du Canada.
Cibles budgétaires
Dans le budget de 2025, le gouvernement définit deux cibles budgétaires :
- Équilibrer les dépenses de fonctionnement et les revenus d’ici 2028-2029.
- Maintenir un ratio du déficit au produit intérieur brut (PIB) à la baisse.
Dans le budget de 2025, le gouvernement abandonne la cible budgétaire précédente de réduction du ratio de la dette fédérale au PIB à moyen terme. Rappelons que dans l’EEA 2024, le gouvernement réitérait son engagement à réduire le ratio de la dette fédérale au PIB à moyen terme, mentionnant que « [c]ette mesure est essentielle non seulement pour assurer la viabilité des finances publiques, mais aussi pour préserver la cote de crédit AAA du Canada, qui aide à maintenir la confiance des investisseuses et investisseurs et à garder les coûts d'emprunt du Canada aussi bas que possible. » Cela représente également un écart par rapport à la Charter for Budget Responsibility du Royaume-Uni, qui vise à réduire la dette (définie comme un passif financier net) en proportion de l’économie et à équilibrer les dépenses courantes et les revenus.
Le ratio de la dette fédérale au PIB prévu dans le budget de 2025 devrait être plus élevé que celui de l’EEA et ne devrait plus être à la baisse à moyen terme. Le ministère des Finances prévoit que le ratio de la dette fédérale au PIB passera de 41,2 pour cent en 2024‑2025 à un peu plus de 43,0 pour cent entre 2026‑2027 et 2029‑2030.
Le budget de 2025 offre un test de résistance pour le plan budgétaire du gouvernement en présentant un scénario optimiste et un scénario pessimiste. Ces scénarios, cependant, n’offrent qu’un éventail limité de chocs économiques possibles et ne tiennent pas compte des mesures budgétaires discrétionnaires. À l’aide de la méthode élaborée dans le Test de résistance du point d’ancrage budgétaire et de l’objectif budgétaire du gouvernement du DPB, fondé sur les chocs économiques et budgétaires antérieurs, nous estimons à 35,4 pour cent les probabilités que le ratio de la dette fédérale au PIB soit, en 2029-2030, inférieur à son niveau de 2024-2025.
La figure 1 présente les intervalles de confiance pour le ratio de la dette fédérale au PIB sur la période de 2025-2026 à 2029-2030. Ces résultats indiquent que la prépondérance des risques pour la projection du ratio de la dette fédérale au PIB dans le budget de 2025 est orientée à la hausse. C’est-à-dire que plus de la moitié des trajectoires simulées du ratio d’endettement se situent au-dessus de la projection budgétaire pour chaque année de l’horizon de planification.
Ministère des Finances
Bureau du directeur parlementaire du budget.
Ministère des Finances
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Les séries sont présentées sur la base de l’exercice financier, où 2018 correspond à 2018‑2019. La période de projection s’étend de 2025‑2026 à 2029‑2030.
Le ministère des Finances prévoit que le ratio du déficit au PIB augmentera à 2,5 pour cent en 2025‑2026, avant de diminuer à moyen terme pour atteindre 1,5 pour cent en 2029-2030. Nous estimons à 7,5 pour cent la probabilité que le ratio du déficit au PIB diminue chaque année de 2026‑2027 à 2029‑2030. Cela indique qu’il est peu probable que la cible budgétaire d’un ratio du déficit au PIB à la baisse fixé par le gouvernement sera respectée[^6]. La figure 2 présente les intervalles de confiance pour le ratio du déficit au PIB sur la période de 2025‑2026 à 2029‑2030.
La diminution du ratio du déficit au PIB représente une réduction des nouveaux emprunts en proportion de l’économie, mais ne garantit pas que le ratio de la dette fédérale au PIB diminuera sur la période de projection. Son incidence directionnelle sur le ratio de la dette fédérale dépend de la croissance du PIB et de l’ampleur du déficit par rapport à la dette fédérale.
Ministère des Finances
Bureau du directeur parlementaire du budget.
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Les séries sont présentées sur la base de l’exercice financier, où 2018 correspond à 2018‑2019. La période de projection s’étend de 2025‑2026 à 2029‑2030.
Viabilité financière à long terme
Selon le scénario de référence du budget de 2025, le ratio de la dette fédérale au PIB devrait rester relativement stable au cours des 30 prochaines années. Le ministère des Finances prévoit que le ratio d’endettement fédéral passera de 41,2 pour cent en 2024‑2025 à 43,6 pour cent en 2033-2034, avant de diminuer à 37,2 pour cent en 2055‑2056. La perspective à long terme pour le ratio de la dette fédérale au PIB présentée dans le budget de 2025 contraste avec les baisses marquées prévues dans les budgets et les mises à jour des trois dernières années (figure 3).
Ministère des Finances
Bureau du directeur parlementaire du budget.
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La fourchette est basée sur les projections à long terme de l’EEA 2022, du budget de 2023, de l’EEA 2023, du budget de 2024 et de l’EEA 2024.
Le DPB évalue la viabilité financière à l’aide de l’écart financier, c’est‑à‑dire le changement dans les revenus ou les dépenses de programme (par rapport à la prévision de référence) requis pour stabiliser le ratio de la dette au PIB du gouvernement à son niveau initial à long terme[^7].
Un écart négatif indique que la dette devrait diminuer en proportion du PIB et qu’il est possible d’augmenter les dépenses ou de réduire les revenus (ou une combinaison des deux), tout en veillant à ce que le ratio de la dette au PIB prévu à la fin d’un horizon à long terme revienne à son niveau initial.
Étant donné la proximité entre le ratio de référence de la dette fédérale au PIB en 2055-2056 et son niveau initial en 2024-2025, notre cadre indique qu’il y aurait un écart financier négatif modeste. C’est‑à‑dire que, selon les projections du ministère des Finances, la politique budgétaire du budget de 2025 serait jugée viable à long terme. Cela dit, il y aurait peu de marge de manœuvre financière pour réduire les revenus ou augmenter les dépenses de programme (par rapport au niveau de référence) tout en veillant à ce que le ratio de la dette fédérale au PIB en 2055-2056 soit égal ou inférieur à son niveau initial. Cela contraste avec les politiques budgétaires des trois dernières années, qui auraient fourni une plus grande marge de manœuvre financière pour faire face aux défis et aux risques futurs.
Examen exhaustif des dépenses
Conformément aux meilleures pratiques de l’OCDE [en anglais] et aux leçons tirées des examens des dépenses antérieurs menés au Canada, les examens des dépenses devraient définir clairement la portée, la méthode et les économies prévues, ainsi que les effets prévus sur le personnel et les niveaux de service. Des rapports transparents sur la mise en œuvre et les résultats sont essentiels pour évaluer si les économies prévues sont réalisées et ce qu’il en coûte au chapitre de la prestation des services.
Le budget de 2025 décrit la portée et la méthodologie générale utilisées pour déterminer les économies réalisées dans le cadre de l’examen exhaustif des dépenses, autour de trois thèmes : moderniser le fonctionnement du gouvernement, simplifier la prestation des programmes et réorienter des programmes du gouvernement. Il fournit également des résultats généraux associés aux économies prévues et comprend une annexe présentant une ventilation ministérielle par thème.
Cela dit, comme en faisaient état nos rapports[^8] sur l’examen des dépenses du budget de 2012, les détails sont insuffisants en ce qui concerne l’incidence sur les programmes individuels au sein de chaque organisation, y compris la réduction du personnel et les répercussions possibles sur les niveaux de service. On ne sait pas très bien si le gouvernement a l’intention de publier ces renseignements, ni quand il le ferait, ni comment il fera rapport de l’état d’avancement et des résultats de l’examen. En l’absence de ces détails, le DPB peut difficilement évaluer les risques financiers et opérationnels liés à l’atteinte des économies énoncées.
Pour combler cette lacune dans les renseignements, le DPB a soumis des demandes d’information à un certain nombre d’organismes afin d’obtenir, à l’égard des programmes, des détails sur les économies et les réductions d’effectif prévues et les implications pour les services. Le DPB prévoit de publier une analyse de suivi, mais son exhaustivité dépendra de l’information reçue.
Dépenses de défense
Le budget de 2025 prévoit des dépenses de défense de 81,8 milliards de dollars sur cinq ans selon la comptabilité de caisse. Ce total comprend des fonds déjà affectés dans le budget supplémentaire des dépenses (A), 2025-2026, lequel prévoit plus de 9 milliards de dollars en 2025-2026, comme l’a annoncé le premier ministre en juin 2025.
Si le budget présente certains détails, on ne sait pas très bien dans quelle mesure ces fonds s’ajoutent aux prévisions actuelles. Les principales données de référence proviennent de « Notre Nord, fort et libre : Une vision renouvelée pour la défense du Canada », publié en 2024, qui décrit les dépenses ministérielles et les dépenses de défense totales selon la définition de l’OTAN et du Plan ministériel 2025-2026 du ministère de la Défense nationale. Le budget ne précise pas comment les fonds interagissent avec ces plans ni avec le cadre d’investissement en capital décrit dans le dernier rapport du DPB sur les dépenses en capital prévues au titre de la politique de défense du Canada.
En outre, le budget de 2025 n’établit pas de plan pour l’atteinte de l’objectif du gouvernement de faire passer les dépenses de défense totales à 5 pour cent du PIB en vertu du cadre révisé de l’OTAN[^9]. De ces 5 pour cent visés, 1,5 point de pourcentage serait lié à des mesures connexes de sécurité et de résilience hors dépenses de défense strictement militaires. Le budget de 2025 mentionne que le gouvernement s’attend à ce que les dépenses actuellement prévues par les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et municipaux atteignent cet engagement de 1,5 pour cent du PIB, sans toutefois offrir de détails ni d’estimations à l’appui.
Le DPB a soumis une demande d’information au MDN afin de mieux comprendre comment les mesures du budget de 2025 se comparent aux prévisions de dépense actuelles et de déterminer la mesure dans laquelle les fonds correspondent à des mesures nouvelles plutôt qu’à des fonds réaffectés.
Présentation des Comptes publics en temps opportun
Les Comptes publics du Canada pour 2024‑2025 ont été déposés plus sept mois après la fin de l’exercice (31 mars). Cela après que les Comptes publics de 2023‑2024 ont été publiés avec un retard record de près de neuf mois après la fin de l’exercice.
Le DPB a maintes fois fait observer que la publication des Comptes publics en temps opportun est essentielle à la transparence et à la reddition de comptes dans les finances fédérales. Les retards dans le dépôt des résultats vérifiés limitent la capacité du Parlement à rapprocher les changements financiers survenant en cours d’exercice et les résultats finaux, à mesurer les progrès vers l’atteinte des cibles budgétaires et à évaluer la crédibilité du plan économique et budgétaire du gouvernement.
Si la Loi sur la gestion des finances publiques autorise le dépôt des Comptes publics jusqu’au 31 décembre suivant la fin de l’exercice, le DPB continue de recommander que cette échéance soit fixée au 30 septembre au plus tard. Cela fera en sorte que les données financières vérifiées sont disponibles en temps voulu pour que le Parlement puisse examiner en détail le rendement financier du gouvernement.